Logiciels libres : impacts et enjeux sur la société
Publié le lundi 10 mars 2014.
Ce billet annonce le second évènement de notre cycle s'étendant de février à mai en partenariat avec la Maison de l'Europe de Nantes et abordant les enjeux de la politique européenne sur les libertés numériques. Suivre la conférence en direct.
Quelle confiance accorder à nos Android et autres iPhones, en particulier après la découverte d'une porte dérobée dans des téléphones Samsung ? Combien de ces appareils permettant à des tiers indésirables d'accéder et d'altérer nos données stockées dans leur mémoire ? Comment opèrent les « box » fournies par les FAI que nous installons sur nos réseaux domestiques ? Que savons-nous des logiciels pré-installés sur nos ordinateurs à l'achat ? Comment réagir si l'administration publique utilise des formats de fichiers nous obligeant à utiliser des logiciels chers et non dignes de confiance ?
Ces interrogations concernent nos choix quotidiens d'outils de télécommunication tout en soulevant des questions de société telles que le respect de la vie privée et de la confidentialité ainsi que de la transparence des institutions publiques.
Elles donnent actuellement lieu à des débats politiques aux niveaux national et européen, comme le montrent par exemple les controverses autour des choix du tout-Microsoft réalisés par le Ministère de la Défense et la Commission européenne.
Le logiciel libre, en posant les principes de base nécessaires pour avoir confiance dans les logiciels et pour assurer l'interopérabilité entre les systèmes, apporte des réponses aux enjeux de respect des données personnelles et de transparence. Il est également porteur d'un écosystème économique, dont un exemple dans notre région est l'association Alliance libre regroupant plusieurs entreprises locales qui proposent des solutions basées sur le logiciel libre. Il est enfin souvent l'objet d'associations locales d'entre-aide et de formations bénévoles, comme Linux Nantes, ce qui en fait un outil essentiel de démocratisation de l'accès à l'informatique.
Jeanne Tadeusz, responsable des affaires publiques à l'Association de défense et de promotion du logiciel libre (April), viendra développer ces enjeux et les actions réalisables par les citoyens lors d'une conférence le mardi 18 mars à 19h30 à la salle Jules Vallès de la médiathèque Jacques Demy.
La suite de cet article développe les liens du logiciel libre avec les problématiques de surveillance et de transparence institutionnelle et aborde la campagne Free Software Pact lancée par l'April à l'occasion des élections européennes.
Logiciel libre, vie privée et choix de société
L'utilisation de logiciels dits « propriétaires » (parfois qualifiés de « privateurs ») sur nos ordinateurs et téléphones revient souvent à espérer aveuglément que les trois ou quatre entreprises éditant ces logiciels n'y insèrent pas de quoi contrôler ces équipements à notre insu et soient suffisamment compétentes pour les protéger contre d'autres intrusions. De plus, ces équipements sont très souvent connectés à internet et équipés de micros, caméras et récepteurs GPS. Certaines révélations d'Edward Snowden ont montré que de tels espoirs sont bien souvent naïfs.
À l'échelle individuelle, le risque se pose donc en terme de respect de notre vie privée. Appliqué aux cas de journalistes, de médecins ou de représentants politiques, il soulève davantage de questions telles que la protection des sources, le secret professionnel ou l'espionnage politique.
À l'échelle globale, cela revient quasiment à un choix - souvent inconscient - de société : laisser à un petit nombre d'entités économiquement puissantes, parfois en collusion avec des agences gouvernementales, les moyens techniques de s'immiscer dans l'intimité de millions d'individus présente probablement des risques non négligeables pour le caractère démocratique de la société dans son ensemble.
Prévenir l'accentuation de ce glissement passe donc par une meilleure maîtrise de nos équipements. Avoir confiance en leur fonctionnement nécessite que ce dernier puisse être librement étudié, compris et, si nécessaire, amélioré. Ainsi, utiliser des logiciels libres est nécessaire pour conserver une société démocratique dans une ère où l'utilisation de technologies de télécommunication est omniprésente et permanente. Certains logiciels libres, comme Tor, sont même des outils essentiels pour la préservation de notre vie privée en ligne.
Accès aux données publiques et protection des données personnelles
La transparence des institutions publiques est également impactée par les choix de logiciels. Si une administration utilise des formats de fichier nécessitant des logiciels propriétaires, comment un citoyen peut-il communiquer avec celle-ci tout en gardant le contrôle de son propre système ? Dans nombre d'administrations publiques, l'habitude d'utiliser des formats de fichier Microsoft handicape de fait les citoyens souhaitant éviter les logiciels propriétaires.
Les entités administratives stockent en outre une masse conséquente de données personnelles concernant les citoyens : état civil, situation professionnelle, maladies et remboursements, etc. Alors que la protection des données personnelles est l'objet d'un projet législatif au Parlement européen et que la confiance envers les produits Microsoft a été sérieusement ébranlée par les révélations d'Edward Snowden, il est légitime de questionner l'omniprésence de cette entreprise sur les réseaux d'administrations publiques.
Des enjeux mal perçus par les reponsables politiques ?
Prendre conscience des effets de nos choix et utilisation de logiciels sur la société est difficile. Cela demande de faire le lien entre des outils qui se sont peu à peu glissés dans notre quotidien d'individu et des conséquences globales pouvant sembler lointaines.
Les problématiques de neutralité du réseau, de protection des données personnelles et d'espionnage de masse montrent pourtant clairement les liens entre les technologies de télécommunication et l'évolution de la société. Le logiciel libre fait partie des éléments indispensables à la protection des droits fondamentaux dans ces domaines. Il sert également de base à un écosystème économique dynamique et permet la démocratisation de l'accès à l'informatique.
L'April propose ainsi aux citoyens de participer à la campagne du Pacte du logiciel libre, qui vise à encourager les candidats aux élections européennes à promouvoir le logiciel libre.